Ils sont assemblés, en masse pour la grande messe.
Attroupés, sous l'égide de la démoniaque prêtresse.
Ils attendent qu'elle se présente à eux,
Pour leur verser la potion des émotions.
Elle est le lien entre eux et leur divinité,
Par ce fluide de la destruction.
La prêtresse est souveraine de ce rassemblement
Dans sa soutane de soie rouge sang.
Elle les toise d'un regard bienveillant :
« Venez à moi mes enfants… » dit elle en souriant.
Ils s'exécutent un à un,
Tel un troupeau conduit par un berger malsain.
Ils ouvrent leurs bouches édentées, puantes,
Sanguinolentes, à cause de l’attente.
Puis, la maîtresse de cérémonie leur verse d’un geste leste
Le malin élixir gouttes à gouttes.
Celui-là même qui ôte les doutes sur leurs déroutes.
D’un regard avide, ils passent à un regard vide.
Ils vont bientôt voir apparaître leur déesse.
Ce bien-être qui les extirpe de leur détresse.
Ce Nirvana qui les détache de leur tristesse,
Et leur fait gravir les sommets de l’ivresse.
Pour un temps.
Effet éphémère, nectar amer !
Poison puissant, il engendre accoutumance,
Décadence et démence.
Philtre de la dégénérescence !
Telle une courtisane sous de beaux atours,
En une fois, il les fait mourir d’amour.
La prêtresse livre des sensations de courte durée
Mais à quel prix !
Plus de liberté, plus de pensées,
Ils sont agrippés à ses pieds,
Jusqu’à ce qu’ils n’aient plus rien à lui concéder.
A part leur existence, sous le règne de la souffrance.
Nina Nonyme. 2002